Lorsqu’une personne âgée n’est plus en mesure de gérer seule ses affaires courantes et ses biens, il est possible de faire appel à un cadre de protection juridique pour l’aider à protéger ses intérêts et prévenir les risques d’abus. Parmi ces mesures, la tutelle représente le degré le plus élevé de protection, s’adressant à des personnes dont les facultés sont en grande partie altérées.
Qu’est-ce que la tutelle ?
La tutelle fait partie des différentes mesures de protection des majeurs vulnérables. Elle est prononcée par le juge des tutelles envers des personnes dont les facultés mentales ou physiques sont grandement altérées et les empêchent d’exprimer leur volonté. Elles ont besoin d’être représentées de manière continue dans les actes de la vie civile, afin de protéger leur personne et leurs biens. Un majeur sous tutelle est comparé à un mineur et perd la quasi-totalité de ses droits civiques. Il est donc évident que cette mesure renforcée est réservée aux cas extrêmes, lorsque les autres mesures de protection juridiques plus souples ne sont pas possibles. La tutelle est souvent prononcée pour des personnes atteintes de maladies neurodégénératives comme Alzheimer qui altèrent lourdement leurs facultés au fur et à mesure que la destruction des neurones s’étend. Si la tutelle a de lourdes implications sur la liberté de décision de la personne protégée et qu’il convient de bien réfléchir avant sa mise en place, il est aussi recommandé de savoir anticiper, afin de protéger au mieux une personne âgée dont les facultés sont progressivement altérées.
Quels sont les effets de la tutelle ?
C’est le juge des tutelles qui fixe la durée de la mesure de protection. Celle-ci ne peut excéder 5 ans, ou 10 ans dans certains cas, mais peut être renouvelée. Une personne sous tutelle est considérée comme inapte à prendre les décisions concernant ses biens et toutes les décisions importantes de sa vie civique. Pour la protéger et éviter par exemple qu’elle dilapide ses biens, tous les actes qu’elle a passés sont considérés comme nuls à partir de la décision de tutelle, même s’ils sont antérieurs à elle.
Au sein de la mesure de tutelle, il existe différents degrés de protection, selon le type d’actes courants. Certaines décisions peuvent être prises par le tuteur uniquement, comme les actes d’administration, tandis que d’autres actes plus importants doivent d’abord être soumis à l’autorisation du juge, à savoir les actes de disposition (testament, vente de bien). Ainsi, par exemple, une personne sous tutelle ne peut procéder à l’achat ou à la vente de biens, émettre des chèques ou conclure des contrats bancaires. Elle peut effectuer des dépenses courantes dans le cadre d’un budget prédéfini.
Par ailleurs, la personne protégée conserve le droit de prendre seule les décisions relatives à sa personne ou à sa famille. La réforme de mars 2019 a permis de renforcer l’autonomie du majeur protégé. Celle-ci peut en effet décider de se marier, se pacser ou divorcer mais doit en informer son tuteur à l’avance. Elle conserve également le droit de choisir son lieu de vie. Une personne sous tutelle conserve donc le droit de décider si elle veut entrer en EHPAD ou non. Lorsqu’une personne âgée sous tutelle refuse d’entrer en EHPAD, on ne peut pas la forcer, mais tenter de l’influencer, sauf pour des raisons urgentes de santé ou si elle met sa vie en danger. Dans ce cas, le juge peut autoriser la signature d’une convention d’hébergement en EHPAD.
Quelles sont les démarches pour mettre en place une tutelle ?
Une demande de mise sous tutelle peut se faire soit après la sauvegarde de justice, soit en saisissant directement le juge des tutelles par courrier de l’intéressé ou de l’un de ses proches, de son curateur ou encore du Ministère Public suite à un signalement. Une fois la requête déposée au tribunal d’instance du lieu de résidence de la personne à protéger, celle-ci est examinée dans un délai maximum d’un an. Une sauvegarde de justice à effet immédiat peut être prononcée pour protéger la personne vulnérable en attendant la mise sous tutelle.
Il est important de préciser que la procédure de mise sous tutelle implique une audition de la personne à protéger auprès du juge des tutelles, afin d’éviter tout abus. Le juge peut également prendre des informations auprès de la famille et de l’entourage de la personne, ainsi que des services sociaux et municipaux, afin de mener une enquête et d’établir le bien fondé de la mesure de protection. Un certificat médical circonstancié d’un médecin expert est également demandé par le juge avant de statuer une éventuelle mise sous tutelle.
Une fois la tutelle prononcée, le juge désigne un tuteur, généralement un membre de la famille. Si le tuteur ne peut être désigné au sein de la famille, le juge peut nommer un administrateur légal, ou encore un gérant de tutelle professionnel, le Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs (MJPM).
Quand mettre en place une mesure de tutelle ?
Comme dit, la tutelle est le niveau le plus élevé de protection d’un majeur fragilisé. Il convient ainsi aux personnes dont les capacités de décision et d’expression de volonté sont considérablement altérées et qui risquent d’être victimes d’abus. Si la personne est suffisamment consciente de la situation, elle peut anticiper l’avenir en faisant elle-même une demande de tutelle. Cependant,si l’état de santé de la personne le permet, les autres mesures de protection comme la curatelle peuvent d’abord être mises en place, afin de suivre l’évolution de la situation et de s’adapter aux mieux aux besoins de la personne protégée, en lui laissant le maximum de liberté à chaque étape.
Pour s’assurer que sa volonté sera parfaitement respectée, une personne âgée encore lucide peut rédiger un mandat de protection future, afin de désigner une personne de confiance qui sera chargée par la suite de réaliser les actes administratifs et gérer les biens de la personne protégée lorsqu’elle ne sera plus en mesure de le faire elle-même. Le mandat prendra effet à partir du moment où le mandant ne peut plus assurer seul ses intérêts, sur la base d’un certificat médical récent attestant de son incapacité. Le mandat de protection future prend fin lors d’un placement en tutelle ou en curatelle du mandant ou du mandataire. Le mandat de protection future comporte plusieurs avantages. Il permet de trouver une solution en attendant qu’une mesure de tutelle soit ordonnée. Par ailleurs, un mandat de protection future est la meilleure façon de s’assurer que seule la personne de son choix se verra confier la gestion de nos biens.
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