Le Lequembi est un nouveau médicament issu de l’immunothérapie pour réduire le déclin cognitif de la maladie d’Alzheimer. Il vient d’être autorisé par l’Agence Européenne du Médicament (EMA), le 15 novembre 2024, après un premier refus en juillet dernier. Déjà commercialisé aux Etats-Unis, l’arrivée de ce médicament sur le marché européen apporte un nouvel espoir pour le traitement de la maladie d’Alzheimer.
Qu’est-ce que l’immunothérapie pour Alzheimer ?
La récente autorisation du Lequembi sur le marché américain, puis, dernièrement, sur le marché européen, ouvre une nouvelle voie thérapeutique pour la lutte contre la maladie d’Alzheimer. En effet, jusque-là, les médicaments disponibles pour les malades d’Alzheimer visaient essentiellement l’atténuation des symptômes et l’amélioration de la qualité de vie des patients mais n’avaient pas d’impact direct sur le déclin cognitif et la progression de la maladie.
Comme nous l’a expliqué le Dre Panchal, Directrice Générale et Scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer, lors d’un récent entretien pour Booking Seniors, l’immunothérapie qui exploite le système immunitaire pour combattre cette pathologie, représente l’une des avancées majeures de la recherche clinique sur la maladie d’Alzheimer.
Les traitements issus de l’immunothérapie comme le Lequembi consistent à administrer au patient, par une injection intraveineuse, des anticorps ciblant les dépôts amyloïdes qui s’accumulent de manière anormale dans le cerveau des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Une fois ces anticorps fixés aux dépôts amyloïdes, le système immunitaire s’active pour éliminer ces dépôts et « nettoyer » le cerveau.
Après les Etats-Unis, le Lequembi est autorisé en Europe
Si, aux Etats-Unis, le Lequembi n’est pas le seul traitement d’immunothérapie proposé pour traiter le déclin cognitif de la maladie d’Alzheimer, avec le Kisunla qui a également été approuvé par la FDA, le Lequembi est le premier à être autorisé par l’Agence Européenne du Médicament, ce qui marque un tournant décisif pour l’Europe.
Après les Etats-Unis et le Japon l’année dernière, le Lequembi a déjà été autorisé en Chine, Corée du sud, Hong Kong, Israël et au Royaume Uni en 2024.
Cette approbation en Europe était d’autant plus attendue que le Lequembi avait d’abord été refusé en juillet dernier par l’EMA. L’Agence Européenne avait alors estimé que le bénéfice du médicament par rapport aux risques des effets secondaires n’était pas suffisant pour autoriser sa commercialisation. Suite à ce refus, EISAI, le laboratoire fabriquant du Lequembi, a demandé une réévaluation du dossier, ce qui a porté ses fruits puisque la commercialisation du Lequembi vient finalement d’être autorisée, le 15 novembre dernier.
Le Lequembi peut-il soigner la maladie d’Alzheimer ?
Le Lequembi comme le Kinsula ont déjà montré des effets positifs sur le ralentissement du déclin cognitif. Cependant, comme le souligne le Dre Panchal, ces traitements sont surtout efficaces à un stade précoce de la maladie : “La maladie d’Alzheimer est caractérisée par une progression lente et silencieuse, avec la formation dans le cerveau des protéines toxiques bêta-amyloïde et tau qui débute 15 à 20 ans avant l’apparition des symptômes. Ce stade préclinique de la maladie d’Alzheimer est devenu un axe de recherche très important, car les chercheurs pensent qu’une intervention thérapeutique au plus tôt dans la maladie offrirait de meilleures chances de ralentir son évolution.”
Les nouveaux traitements d’immunothérapie anti-amyloïde que sont le Lequembi et le Kinsula et qui ont pour but de nettoyer les dépôts amyloïdes dans le cerveau des malades ont montré un ralentissement significatif du déclin cognitif. Cependant, ils ne permettent pas de stopper complètement la progression de la maladie. Le Dre Panchal explique que, concernant la maladie d’Alzheimer, d’autres facteurs sont à prendre en compte comme la neuroinflammation, le métabolisme cellulaire, et les aspects vasculaires, génétiques et environnementaux. “Afin de stopper le déclin cognitif, il sera nécessaire de développer plusieurs traitements qui ciblent ces différents versants. On se tourne donc vers une approche de multithérapie.”
Quels sont les effets secondaires du Lequembi ?
L’une des raisons principales qui a motivé le premier refus de commercialisation du Lequembi par l’Agence Européenne du Médicament a été la considération des éventuels effets secondaires importants qui peuvent être provoqués par l’administration de ce traitement. Comme l’explique le Dre Panchal, “l’administration de ces anticorps dans le sang va induire une réponse inflammatoire pour éliminer les dépôts amyloïdes à travers les vaisseaux sanguins cérébraux. Cet afflux d’anticorps augmente la perméabilité de ces vaisseaux, ce qui entraîne une fuite dans les tissus environnants, créant des hémorragies ou des œdèmes.” Les effets secondaires possibles du Lequembi sont donc ces hémorragies cérébrales ou œdèmes cérébraux, appelés « ARIA ». “Dans la majorité des cas, les ARIA sont asymptomatiques et disparaissent après l’arrêt du traitement, mais dans de rares cas, ils peuvent être plus graves, ce qui nécessite une surveillance du patient par des séances régulières d’IRM (Imagerie par Résonnance Magnétique) tout au long du traitement.”
Le Lequembi pour quels patients ?
Dans sa révision du dossier, l’Agence Européenne du Médicament a finalement évalué que le rapport bénéfice/risque du Lequembi était favorable, malgré les effets secondaires possibles décrits plus haut. Elle a cependant émis certaines restrictions d’utilisation à un public ciblé de patients Alzheimer dans le but d’obtenir une efficacité optimale avec le moins de risques possibles d’effets secondaires. Comme le précise le communiqué de la Fondation Vaincre Alzheimer concernant l’autorisation du Lequembi sur le marché européen, l’Agence Européenne du Médicament a recommandé l’administration de ce traitement à un public ciblé de patients : “Ce médicament est recommandé pour les patients atteints d’Alzheimer à un stade débutant qui ne sont pas porteurs du gène de l’apolipoprotéine E4. Il s’agit d’un facteur de risque génétique majeur de la maladie d’Alzheimer qui peut influer sur l’apparition d’effets secondaires non négligeables lorsque le patient est sous traitement.”
Par ailleurs, l’administration du Lequembi devra faire l’objet d’une surveillance régulière par IRM de la part de professionnels qualifiés, afin de contrôler la survenue d’éventuels ARIA.
Comment bénéficier du Lequembi en France ?
L’autorisation de commercialisation du Lequembi par l’EMA pose évidemment la question de son utilisation en France. Sur la base de l’avis positif reçu, Eisai a prévu de demander un accès précoce à la Haute Autorité de Santé (HAS), sur la base duquel le Lequembi pourra être accessible aux patients français dans un avenir proche. Il restera probablement à déterminer la question du coût du médicament et de son éventuel remboursement par l’Assurance Maladie. Pour rappel, le prix du Leqembi aux Etats-Unis a été fixé à 26 500 $ par an et par malade, avec une prise en charge à 80% par Medicare, la couverture de santé américaine.
La mise sur le marché de ce médicament va également nécessiter une adaptation du parcours de soins, avec un accent particulier sur le diagnostic précoce. Très active dans la recherche pour la lutte contre la maladie d’Alzheimer, la Fondation Vaincre Alzheimer a investi ces dernières années sur des projets très innovants dans le domaine du diagnostic précoce. La Fondation a également joué un rôle important pour favoriser l’accès aux immunothérapies précoces en Europe.
Sources : Vaincre Alzheimer
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