Pour faire entrer une personne âgée en EHPAD, il est nécessaire d’obtenir son consentement. Dans certains cas, ce consentement est particulièrement difficile à récolter parce que l’intéressé n’est pas en mesure de le donner. Commence alors un branle-bas de combat juridique et administratif pour les familles et les professionnels du secteur médico-social qui tentent de les aider. Quels sont les droits et les devoirs concernant l’entrée en EHPAD d’une personne atteinte d’Alzheimer ?
De plus en plus de résidents avec Alzheimer en EHPAD
Selon la DREES, on constate que les résidents des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sont de plus en plus âgés et dépendants. En 2019, environ 233 000 résidents d’EHPAD souffrent de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée, soit 40 % des personnes accueillies. En effet, la maladie d’Alzheimer est souvent très difficile à gérer en maintien à domicile. A un stade avancé, la maladie occasionne de nombreux troubles du comportement et une perte d’autonomie nécessitant une prise en charge complète et une surveillance de tous les instants, une situation difficile pour un aidant familial à domicile, malgré les aides disponibles.
L’entrée en EHPAD d’une personne atteinte d’Alzheimer est une situation que les professionnels rencontrent souvent. Sur le terrain, il n’est pas simple de contourner les barrières administratives et juridiques et il peut se passer un grand laps de temps avant de trouver une solution qu’il est pourtant nécessaire de trouver en urgence.
Peut-on faire entrer une personne avec Alzheimer en EHPAD contre sa volonté ?
Pour que l’on puisse faire entrer une personne en EHPAD, celle-ci doit absolument être d’accord. On ne peut en aucun cas faire entrer une personne âgée en EHPAD contre sa volonté et ce, quels que soient son état de santé et sa situation et même si cela paraît être la meilleure solution d’après ses proches. Cet impératif est important pour éviter les abus d’une entrée en EHPAD sous la contrainte. Cependant, dans le cas de personnes atteintes d’Alzheimer, cela peut représenter un frein à une prise en charge adaptée. En effet, en tant que maladie neurodégénérative, l’Alzheimer altère les fonctions cognitives de la personne et, selon son évolution, la prive de sa capacité de prendre des décisions en tout état de cause. C’est la raison pour laquelle les personnes atteintes d’Alzheimer font, à un moment ou à un autre, l’objet d’une mesure de protection juridique comme la tutelle ou la curatelle. Dans ce cas, la décision d’entrée en EHPAD doit passer par une autorisation préalable de la part du juge des tutelles.
En tant qu’assistante de service social depuis 20 ans au sein d’une clinique privée, Florence G. connaît bien les barrières de l’entrée en EHPAD d’une personne atteinte d’Alzheimer. Elle explique qu’il existe un réel écart entre le besoin d’une prise en charge souvent urgente et des procédures longues et compliquées. “Nous avons par exemple le cas d’un patient qui arrive à la clinique sans famille, ni entourage et avec des troubles cognitifs. Il ne va pas pouvoir rentrer à domicile. On lance alors une mesure de protection juridique et l’on signale la situation au Procureur de la République qui saisit un mandataire judiciaire. Mais en attendant que toutes ces démarches aboutissent à une décision, le patient est obligé de rester à la clinique et nous n’avons pas l’autorisation de le faire entrer en EHPAD. Il n’existe pas de solution adaptée à ces personnes et ils peuvent rester des mois hospitalisés faute d’une solution rapide pour pouvoir entrer en EHPAD”, confie Florence.
Quelles sont les solutions lorsque la personne ne peut pas décider seule d’entrer en EHPAD ?
Lorsque la personne a déjà un mandataire judiciaire, la procédure est un peu moins compliquée mais il reste des barrières à franchir. Même sous tutelle, une personne conserve toujours le droit de décider si elle veut intégrer un EHPAD ou non. Selon le stade, les troubles cognitifs associés à la maladie d’Alzheimer ne permettent pas à la personne de prendre une telle décision. C’est là que la situation se corse. Il est alors impossible de l’aider à intégrer un établissement tant que le juge des tutelles n’a pas accordé d’autorisation. Parfois, le juge des tutelles demande une nouvelle évaluation médicale, ce qui pourra encore ralentir la procédure. En effet, lorsqu’une personne sous tutelle refuse un placement en EHPAD, le tuteur ne peut pas décider seul de ce placement. Il doit saisir le juge des tutelles sur la base d’un certificat médical. Il est le seul à être habilité à autoriser un tel placement en l’absence d’un consentement éclairé de la personne âgée dépendante.
Dans l’attente de cette autorisation, il est nécessaire de trouver des solutions concrètes et adaptées à ces personnes. “On essaie de faire au mieux pour que la personne soit prise en charge de manière optimale. Si elle refuse d’entrer en EHPAD et que le maintien à domicile est possible, on fera tout pour l’organiser. Même si l’on sait que cela va être compliqué à la maison et même si la personne est grabataire, on la renvoie à domicile et on met en place toutes les aides,” précise Florence.
Si la loi ne prévoit pas de mesure urgente pour la prise en charge en EHPAD d’une personne atteinte d’Alzheimer et incapable de donner son consentement, il est possible, au cas par cas, de tenter de trouver des alternatives lorsqu’un hébergement en EHPAD apparait comme la meilleure solution pour son bien et sa sécurité. On peut alors par exemple tenter de lui proposer un séjour temporaire pour l’aider à s’habituer et à voir les avantages d’une prise en charge adaptée. En effet, de nombreux EHPAD proposent des séjours temporaires qui peuvent durer de quelques jours à plusieurs mois, dans les mêmes conditions que les séjours permanents, pour faciliter l’intégration et permettre aux intéressés de tester l’établissement.
“De manière générale, on sent dans la pratique de plus en plus de souplesse des deux côtés, de la part des institutions qui tentent d’accélérer les choses et des EHPAD qui proposent de plus en plus de formules, pour pallier les vides administratifs et juridiques et permettre de trouver des solutions à des situations compliquées et urgentes”, précise Florence.
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