Chaque année, la Journée Nationale des aidants a lieu le 6 octobre. Elle est consacrée aux aidants pour “les aider à prendre soin d’eux”. Les aidants de personnes atteintes d’Alzheimer doivent gérer un quotidien difficile qui évolue avec la maladie et des troubles du comportement ou de la personnalité qu’ils ne savent pas toujours comment aborder. Pour répondre aux questions concrètes que les aidants d’Alzheimer peuvent se poser, nous avons fait appel à Anne-Laure Salem, psychologue, spécialisée en neuropsychologie au sein de la Plateforme d’Accompagnement et de Répit des Aidants de la Fondation Odilon Lannelongue.
Le quotidien d’un aidant d’Alzheimer n’est pas simple. Au-delà du temps consacré à son proche, de l’investissement physique et psychologique, de la fatigue et des difficultés, nombre d’entre eux se posent souvent certaines questions par crainte de ne pas réagir comme il faut ou parce qu’ils peuvent parfois se sentir désemparés face à une situation qui évolue sans cesse et de nouveaux troubles qui apparaissent, parfois soudainement.
Si la Plateforme d’Accompagnement et de Répit des Aidants de la Fondation Odilon Lannelongue est là pour les aider au quotidien et répondre à leurs questions, Anne-Laure Salem, l’une des psychologues de la Plateforme, a accepté de répondre à plusieurs interrogations que se posent de nombreux aidants et d’apporter de précieux conseils aux aidants de proches atteints d’Alzheimer.
1. Comment gérer la colère de son proche et comment la comprendre ?
“C’est une question difficile car la colère du proche aidé peut être provoquée par beaucoup de facteurs très différents”, précise Anne-Laure. Elle explique en effet que pour la colère comme pour tous les autres troubles du comportement, il est important de prendre le temps d’analyser chaque situation qui est différente au cas par cas, même si l’émotion est identique. Elle recommande de questionner la personne, d’essayer de savoir quelles sont les raisons de sa colère ou de tout autre sentiment, puisque la colère peut être due à des facteurs aussi variés que des douleurs organiques, une poussée de fièvre, un mot de travers dit involontairement par l’aidant, quelque chose qui s’est passé à la télévision qui a été mal interprété par le proche aidé qui ne fait plus la distinction entre réalité et fiction, une activité mal réalisée par le proche, un souvenir désagréable du passé lointain ou un cauchemar, vécus comme la réalité présente.
“La technique utilisée ici va être guidée par l’empathie et la compréhension de la situation. « Qu’est-ce qui se passe, est-ce que je t’ai froissé ? » « Je te sens énervé, est-ce que tu veux bien me dire ce qui te met dans cet état ? » et proposer des choses en complément (boire un thé, se reposer, se promener, etc.).
On explore de manière ouverte, dans le sens où on ne reste pas focalisé sur une seule possibilité qui expliquerait la colère, et on pose des questions de type fermé, afin de guider la personne si c’est trop difficile pour elle de répondre à une question « vaste » de type : « est-ce que tu as mal quelque part ». S’ils répondent “oui” à ces questions, on continue l’exploration en proposant des explications : « tu as mal au ventre ? au dos ? etc. » ou « est-ce que c’est quand je t’ai dit … que ça t’a mis en colère ? », etc.Il faut savoir que la gestion des émotions devient rapidement difficile pour les proches aidés : ils deviennent hypersensibles, des « éponges émotionnelles » tout en perdant la capacité d’analyser ce qu’il se passe en eux. Ce qui signifie également qu’ils peuvent manifester nos émotions à nous parce que nous sommes stressés, anxieux, fatigués, etc. il est donc important d’échanger avec eux lorsqu’on se sent le plus calme possible. C’est un exercice délicat à réaliser qui demande patience et ouverture d’esprit”, explique la psychologue.
2. Comment convaincre une personne avec Alzheimer de faire la douche et d’accepter les soins quotidiens ?
“Les refus de soins ou de prises en charge quelconque sont souvent en rapport avec un défaut de conscience des troubles, appelé également anosognosie. Ainsi le proche reste persuadé d’être en capacité de faire les choses comme avant, que ce soit pour la toilette, la réalisation des repas, les déplacements à l’extérieur, etc. Mais également en ce qui concerne la gestion de sa santé : pour lui, il n’y a pas de problème, il peut s’occuper de la prise de médicaments lui-même, n’a pas besoin de kiné ni de voir le gériatre. Or cette anosognosie empêche l’application de l’argumentation : comme il n’y a pas de problème (dans la réalité du proche) pourquoi le convaincre qu’il a besoin d’aide ? Ainsi, plus on va chercher à convaincre, plus on va être dans la lutte avec notre proche, ce qui débouche souvent sur des tensions dans la relation et de l’épuisement pour l’aidant”, précise la psychologue.
Elle recommande ainsi aux aidants d’utiliser des méthodes d’approche moins directes : on fait les choses ensemble, on va au rendez-vous chez le médecin pour tous les 2, l’aidant expliquant que lui aussi en a besoin. “On peut également parler de ses besoins en tant qu’aidant, plutôt que de pointer les difficultés du proche aidé : ainsi l’auxiliaire de vie n’intervient pas parce que le proche ne peut plus faire sa toilette seul, mais parce qu’en tant qu’aidante « je suis inquiète, fatiguée, que cela me rassure, que j’ai besoin de repos », etc.
On peut aussi y aller en douceur, en revenant plus tard, le proche aura peut-être changé d’avis.”
Anne-Laure aborde également la question de la méfiance dont peut faire preuve la personne aidée envers un professionnel : “ On peut intégrer l’intervention d’un professionnel petit à petit : on l’évoque une fois ou deux, sans répondre aux réactions négatives de notre proche. Puis on peut faire un test d’une ou deux heures pour tout autre chose de façon à ce que le proche crée d’abord un lien de confiance avec l’auxiliaire de vie, dans un tout autre cadre que celui de la toilette (sorties, bavardage autour d’un café, etc.) pour ensuite parler de la douche quand le proche est familiarisé avec l’auxiliaire de vie”.
Elle explique en effet que la désorientation temporo-spatiale et la perte des repères crée une méfiance vis-à-vis de la nouveauté et fait que ce qui n’est pas familier devient facilement anxiogène et nécessite que l’on rassure régulièrement la personne.
“Il ne faut pas non plus hésiter à essayer, à des intervalles plus ou moins espacés dans le temps, la mise en place des professionnels extérieurs. On sait que pour certains patients, l’anosognosie est tellement forte, que les stratégies habituelles vont être extrêmement difficiles à mettre en place. Mais ce qui n’a pas marché aujourd’hui pourra peut-être être mieux accepté dans 3 ou 6 mois. En revanche, il ne faut pas non plus tomber dans l’extrême inverse, à savoir, en parler continuellement alors que le proche se braque, voire se met en colère, à chaque fois que l’on évoque la question. Si la mémoire est souvent déficitaire dans le cas de maladies neuro-évolutives, l’aspect émotionnel des choses peut permettre, à tout un chacun, de bien se rappeler de ce qui ne nous plait pas. Par ailleurs, les capacités d’apprentissage restent possibles même si elles sont plus aléatoires. Donc c’est prendre le risque de ne jamais faire évoluer la situation du côté du proche et d’être confronté à un refus définitif.”
Anne-Laure propose aussi aux aidants une autre stratégie pour faire en sorte que la personne aidée accepte les soins et la toilette quotidienne : écouter les raisons de son proche à ce refus, qui peut provenir de l’image que cela reflète de lui ou de peurs qu’il peut avoir. “Selon les situations, on peut trouver des moyens de réassurance. Si la personne a peur de tomber dans la cabine de douche, installer une rampe, un siège, un tapis ou autre peuvent aider à rassurer le proche et à faire que la toilette se passe mieux. L’intervention d’une ergothérapeute peut, dans ces cas-là, être utile.”
Enfin, la dernière stratégie utilisée est celle de passer par un tiers : un professionnel ou un autre membre de l’entourage/de la famille en qui le proche aidé a confiance. “En effet, on observe souvent une réticence à ce que le proche aidé accepte les propositions de l’aidant principal (surtout si c’est la conjointe) alors que ce sera plus facile si cela vient d’un enfant en particulier, d’une petite-fille ou même du médecin”.
Elle ajoute qu’il est important de garder à l’esprit qu’il n’existe pas de solution miracle. La communication reste primordiale et il existe un panel d’outils que l’on peut tester dans chaque cas et qui peuvent plus ou moins fonctionner selon les cas : “On essaye de parler à la première personne, on élimine le « tu ». Ce qui donne : « j’aimerais que tu ailles te doucher », « je souhaiterais que nous allions voir ce médecin », « je voudrais que tu suives les séances de kiné prescrites » plutôt que « c’est l’heure de te doucher », « tu devrais aller voir ce docteur » « il faut que tu fasses de la kiné, tu marches de plus en plus mal », etc. Dire à son proche ce qu’il doit faire est très dévalorisant pour lui et il n’a plus les capacités cognitives ou psychiques de comprendre pour quelles raisons l’aidant est « aux petits soins » avec lui.”
3. Doit-on mentir à une personne atteinte d’Alzheimer ?
Savoir si l’on doit mentir à une personne atteinte d’Alzheimer est une question que les proches aidants se posent souvent. Nous avons demandé à Anne-Laure Salem de nous expliquer ce qu’elle en pense, en tant que psychologue confrontée régulièrement aux interrogations d’aidants d’Alzheimer lors de l’accompagnement qu’elle apporte. “C’est une très bonne question, à laquelle il n’est pas simple de répondre, surtout quand on parle d’une relation de couple entre le proche malade et l’aidant principal. Pourtant, lorsqu’on est face à une personne dont les raisonnements et jugements sont altérés, peut-on opter pour la vérité dans toutes les situations de soins et d’accompagnement ? Et pourtant est-ce éthique et respectueux de manipuler son proche pour lui faire faire ce que l’on souhaite ? Dans quelle mesure la relation peut-elle rester saine si je passe mon temps à « embobiner » mon proche malade ? Je crois que la réponse se situe surtout au niveau des risques encourus pour la personne malade. Par exemple, le médecin a prescrit une IRM mais le proche refuse d’aller au rendez-vous : est-ce un enjeu vital ? Dans quelle mesure cela va-t-il être bénéfique pour la personne malade ? Cela ne changera pas le cours de l’évolution de la maladie ni le type de prise en charge mis en place. Donc cela ne sert à rien d’inventer une histoire abracadabrante pour le faire monter dans la voiture. D’autant qu’à l’arrivée, il se rendra compte que l’aidant lui a raconté des histoires, ce qui risque de le mettre en colère et d’altérer, à terme, la qualité de la relation. Ce qui est nettement plus préjudiciable. Par contre, si le proche refuse le passage des auxiliaires de vie pour la toilette depuis 3 semaines, là, il va falloir être rusé pour déjouer l’opposition, car l’absence d’hygiène risque d’avoir des conséquences non négligeables sur le long terme. Donc je dirai que tout est question de situations, sachant que le plus important lorsque l’on accompagne un proche malade d’une pathologie neuro-évolutive, est la qualité de la relation. Mieux vaut lâcher du lest sur quelque chose qui déplaît au proche malade si cela n’a pas de conséquence sur sa santé pour préserver le lien et négocier, en manipulant un peu la personne, sur quelque chose d’autre, plus important.”
4. Comment faire si un proche Alzheimer dit qu’il n’a pas faim alors qu’il n’a pas mangé ?
Pour répondre à cette question cruciale du quotidien des aidants, Anne-Laure recommande l’attitude suivante : “Lorsque la maladie neuro-évolutive est avancée et que le proche se déplace encore par lui-même, il peut être judicieux de laisser à disposition des aliments qui se mangent facilement : fruits découpés, tranches de gâteaux, cakes salés de façon à ce qu’il se serve seul mais ait également un apport nutritif adéquat. Là, il peut être intéressant pour l’aidant d’être accompagné par une diététicienne afin d’être guidé sur les types de plats à concocter.
Et comme dit précédemment, il ne faut pas hésiter à revenir quelques minutes plus tard, si vraiment le proche est en opposition agressive, sachant qu’un seul repas sauté n’aura pas de conséquence grave. On peut aussi essayer de comprendre son refus, sachant que plus la maladie avance, plus le proche aidé aura des difficultés à identifier ses sensations comme avant. Dit-il qu’il n’a pas faim parce que réellement il est rassasié ? Ou bien est-ce un moyen de s’exprimer, de tenter de reprendre contrôle sur sa vie en décidant autre chose parce que justement le proche aidé a l’impression que son aidant décide de tout ? Ou bien ne comprend-il plus ce que le mot « faim » signifie ?”
5. Comment faire si le proche accuse l’aidant de lui prendre ou de lui cacher ses affaires ?
“A nouveau, la qualité de la relation prime sur tout d’après moi. Est-ce vraiment grave si cela arrive ? Tenter de lui faire comprendre qu’il se trompe marchera rarement dans la mesure où le proche aidé vit dans une autre réalité que la nôtre, réalité qui a ses propres règles, où tout devient possible à tout moment. Ce n’est évidemment pas agréable d’être accusé de vol quand on sait que ce n’est pas la réalité mais finalement le plus important est de retrouver l’objet perdu, surtout s’il est essentiel comme un portefeuille ou une carte d’identité.”
La spécialiste insiste sur l’utilité d’une attitude positive qui consisterait à chercher à comprendre le besoin caché derrière ce comportement d’accusation de vol : “peut-être que la personne se sent dépossédée d’elle-même et en cachant ses propres affaires, tout en accusant l’aidant principal, elle tente de reprendre contrôle sur sa vie. Ou cela pourrait être un moyen de se sentir utile, comme quand on avait une vie professionnelle et qu’on avait régulièrement des papiers à classer, à chercher, à trier, etc. Chaque trouble du comportement a une origine qu’il peut être intéressant de chercher à comprendre pour faire diminuer ce trouble.”
Par contre, si les épisodes sont trop fréquents et/ou trop violents, elle recommande de consulter le médecin spécialiste (gériatre ou neurologue) pour un traitement pharmacologique adapté, de type antidépresseur par exemple, pour calmer l’agitation.
6. Comment conserver au maximum la communication et préserver les liens avec un proche atteint d’Alzheimer?
“La communication et les liens peuvent être conservés jusqu’au dernier souffle de la personne malade, même quand la communication verbale n’est plus possible.” Pour préserver une relation la plus harmonieuse possible avec son proche aidé, la professionnelle insiste sur le fait que la personne malade reste avant tout une personne, qui a des besoins, certes de plus en plus spécifiques au fur et à mesure que la maladie s’aggrave, des envies et des désirs.
“J’ai accompagné une aidante dont le mari était d’origine italienne. A un moment donné, il ne pensait plus qu’à rentrer en Italie dans sa maison d’enfance. Il se trouve que dans leur cas, ils ont pu organiser ce voyage, mais lorsque cela n’est pas possible, on peut trouver d’autres moyens pour satisfaire, même en partie, la personne aidée, comme, par exemple, regarder ensemble des photos d’enfance ou un documentaire sur la région. Les capacités de créativité et d’imagination sont des atouts indispensables quand on accompagne une personne avec une maladie neuro-évolutive. Lorsque le langage devient complètement incohérent ou que la personne ne finit plus ses phrases, on peut jouer sur la prosodie du langage, c’est-à-dire la musicalité des phrases, qui finalement expriment l’émotion ressentie. Par exemple, quand je travaillais en EHPAD et que j’intervenais en Unité de Vie Protégée, il m’arrivait d’échanger avec des résidents qui avaient un discours sans queue ni tête. Pour leur répondre de la manière la plus adaptée possible, je me basais sur leurs intonations : est-ce qu’ils avaient l’air de m’informer de quelque chose qui paraissait important pour eux ? alors, je leur répondais avec étonnement du style « ah bon ? mais qu’est-ce qu’il s’est passé ensuite ? qu’avez-vous fait ? » etc. Il est inutile de leur dire que ce qu’ils affirment n’existent pas ou que cela n’a pas de sens, parce que c’est pour nous que cela n’en a aucun. Pour eux, au contraire, c’est leur réalité, même si pour nous, cela peut être parfois très compliqué.”
7. Une personne Alzheimer devient-elle forcément grabataire un jour ?
“On définit une personne « grabataire » comme une personne en fauteuil roulant, en impotence physique totale, et ayant perdu toute communication verbale ou presque. Et heureusement, non, la personne avec une maladie d’Alzheimer (MA) ne devient pas forcément grabataire. L’évolution des personnes souffrant d’une MA ou d’une maladie apparentée dépend de nombreux facteurs. Souvent elles vont mourir avant, d’une maladie organique autre (pneumonie, crise cardiaque, etc.), d’une altération de l’état général subite, etc. Il peut très bien y avoir des personnes avec cette maladie qui continuent de se promener dans les couloirs du domicile jusqu’à la fin, sachant que les capacités physiques seront généralement mieux préservées en EHPAD qu’au domicile du fait de la superficie de l’établissement en comparaison à celle du logement familial, et de la présence de kinés et de stimulations motrices plus fréquentes. A mon sens, la condition « grabataire » a donc plus de probabilités de se passer à domicile. Mais elle peut mourir bien avant et de causes variées.”
8. Comment faire si notre proche refuse que l’on s’absente ?
“Cette question est épineuse et pose celle de la présence d’intervenants extérieurs”, répond la psychologue.
Elle explique qu’il est primordial d’éviter d’en arriver là pour le bien-être de l’aidant, surtout s’il souhaite que son proche malade reste le plus longtemps possible à domicile et pour éviter que l’aidant ne s’épuise. “ Sa santé sera alors mise en danger et une institutionnalisation en urgence risque d’arriver, ce qui évidemment n’est pas souhaitable pour le proche aidé et son adaptation à son nouvel environnement de vie.”
Si le proche refuse que l’aidant principal s’absente, on peut envisager une aide médicamenteuse avec un traitement anti-dépresseur pour apaiser l’anxiété qui, selon la psychologue, peut être la cause de ce refus. Selon elle, le travail progressif sur l’instauration d’aides extérieures reste primordial pour préserver la santé de l’aidant. “Personne ne peut aider quelqu’un 24h/24, 7 jours/7. Même les soignants ont des jours de repos et des congés. J’ai accompagné une aidante qui vivait à 300 km de chez sa mère, et pour laquelle l’hébergement en EHPAD a rapidement été la solution car sa mère refusait les aides extérieures (auxiliaires de vie, infirmières, équipe spécialisée Alzheimer) mais présentait une anxiété importante mettant en évidence une difficile gestion de la solitude chez elle. Elle téléphonait plusieurs fois par jour à sa fille, n’acceptait pas qu’elle parte en voyage, réclamait sans cesse à venir habiter chez elle et se plaignait constamment de ne pas avoir de visites alors qu’elle en avait régulièrement dans la semaine par des voisins ou de la famille éloignée et que sa fille faisait les voyages environ toutes les 6 semaines pendant une dizaine de jours à chaque fois. Pourtant, sa mère avait une autonomie relativement préservée, mais au vu du contexte, l’EHPAD a paru être la meilleure solution, notamment pour préserver les liens mère-fille et la qualité de leur relation. L’aidante est désormais plus sereine lorsqu’elle rend visite à sa mère et gère mieux les comportements de plaintes et de reproches, de sa mère, qui finalement s’est bien adaptée à son nouveau logement.”
9. Comment faire si notre proche “tourne en rond” et déambule ?
“La déambulation est un trouble du comportement des maladies neuro-évolutives à un stade avancé. Elle pourrait être apparentée à une pulsion dans le sens où la personne n’a pas de contrôle dessus,” explique Anne-Laure.
Elle précise que les personnes qui déambulent ne peuvent pas s’en empêcher et que l’on peut seulement atténuer ce trouble temporairement, sans l’empêcher. Elle recommande de proposer certaines activités, sans forcer la personne si elle ne souhaite pas les pratiquer. “Même si nous sommes face à un malade, nous sommes surtout face à une personne. Elle a donc le droit de refuser certaines activités, de tourner en rond, de ne rien faire, comme vous et moi.” Il ne faut pas hésiter à chercher à comprendre ce refus, en questionnant le proche aidé. Parfois cela peut aussi être parce que ce n’est pas le bon moment ou pas la bonne personne qui propose. Il arrive que des aidants veulent stimuler leur proche malade parce que cela fait partie des recommandations pour ralentir la pathologie. Oui, effectivement, la stimulation cognitive est importante. Mais est-ce vraiment le rôle de l’époux ou de l’épouse de s’en occuper ? Quels types de relations je crée avec mon mari si c’est moi qui lui montre des images qu’il doit dénommer ? Comment mon proche va-t-il vivre cette situation, si ce n’est en se sentant dévalorisé et infantilisé par une personne avec laquelle il avait des relations égalitaires auparavant ? De même si c’est l’enfant qui gère ces activités : l’inversion des rôles parents-enfants peut être très mal vécue par le proche aidé.
En revanche, on peut se tourner vers l’ESA (équipe spécialisée Alzheimer) qui intervient à domicile, l’association France Alzheimer qui propose des activités adaptées en dehors du domicile ou encore l’accueil de jour où le proche passe la journée à réaliser des activités adaptées, 1 à 2 fois par semaine. Les aidants peuvent se renseigner auprès de leurs mairies et des plateformes de répit et d’accompagnement des aidants pour obtenir ces renseignements.”
10. Le maintien à domicile peut-il être possible même à un stade avancé ou faut-il envisager une entrée en EHPAD ?
“Le maintien à domicile peut tout à fait être possible jusqu’à la fin mais à condition d’avoir des moyens financiers importants pour mettre en place suffisamment d’aides et de relais, pour soutenir l’aidant dans ses diverses tâches et missions”, précise la psychologue. “Il faut savoir que la présence d’aides à domicile 24h/24 et 7 jours/7 revient plus chère qu’un hébergement en EHPAD. Or selon les situations, il peut arriver que le proche ait besoin d’une surveillance constante. L’aidant ne peut pas tout gérer par lui-même : le quotidien avec les courses, les repas, le ménage, la toilette de son proche, la gestion administrative, les rendez-vous médicaux, en plus de ses propres besoins de repos et de distractions et ses propres rendez-vous médicaux.”
Elle met en garde sur le fait que sur le long terme, cela risque de provoquer de l’épuisement ou des problèmes de santé qui seraient néfastes à la bonne prise en charge de l’aidé. “Si l’aidant se fracture le col du fémur, qui va s’occuper du proche ?”
“L’entrée en EHPAD ne se fait pas nécessairement uniquement lorsque la maladie neuro-évolutive est avancée. Elle est également réalisée lorsque le proche aidé a des troubles du comportement difficilement canalisables : sorties inopinées la nuit, agressivité, physique ou verbale, anxiété importante au point que l’aidant a l’impression d’être harcelé par son proche car il ne peut rien faire sans lui. C’est le cas des patients avec ce que l’on appelle le syndrome de Godot où le proche aidé suit littéralement partout son aidant principal. Dans ces situations, même aller 5 minutes aux toilettes est impossible : le proche est là, derrière la porte, nous parle et nous attend. Cela peut se manifester également par des dizaines d’appels téléphoniques par jour, des questions répétitives en boucle, un besoin d’attention extrême, un désir d’aller partout où l’aidant va (sortir avec lui faire les courses, aller se promener avec lui ou aller aux rendez-vous médicaux mais également dans le logement dès que l’aidant change de pièce).
De même si les nuits sont troublées par les réveils réguliers du proche aidé (avec ou non sorties nocturnes), l’épuisement de l’aidant ira en s’accentuant. Il se lève pour aller aux toilettes, mais ne les trouvant pas, il allume toutes les lumières, parle fort, réveille l’aidant car il a besoin d’aide. Le proche aidé peut également déplacer des objets dans la maison, ranger, déranger ce qui lui tombe sous la main. La question de l’hébergement se pose assez rapidement dans ces situations.”
Elle ajoute que le problème de l’incontinence, le plus souvent nocturne, est également un critère d’entrée en EHPAD.
“D’un point de vue plus positif, la question de l’hébergement se pose également quant à la satisfaction des besoins du proche. En effet, du fait de la maladie, celui-ci a des besoins qui lui sont propres, différents d’une personne âgée lambda. Notamment, le proche aidé aura besoin de stimulations régulières, qu’elles soient cognitives ou motrices, ce qui sera possible grâce à la présence des kinés, des psychomotriciens, des psychologues et des aides-soignant(e)s dans les EHPAD. De même, les besoins de socialisation seront plus facilement satisfaits par les équipes soignantes et les autres résidents de l’EHPAD que lors du maintien à domicile.”
Anne-Laure souhaite transmettre aux aidants un message important : “ Les aidants font un travail formidable auprès de leur proche et pour pouvoir le continuer il est essentiel qu’ils se préservent le plus possible dans ce « marathon » de l’”aidance”. Plus les aidants sont formés à la pathologie de leurs proches et informés des aides extérieures existantes, mieux ils seront « armés » pour accompagner leurs proches jusqu’à la fin. Il vaut donc mieux s’ouvrir plutôt que de rester centrer sur ses difficultés. En parler autour de soi pour pouvoir frapper aux bonnes portes, en commençant par les plateformes de répit et d’accompagnement des aidants et les CCAS (ou les Espaces Sénior) des mairies. Chaque situation est particulière et nécessite une analyse globale afin de trouver la solution la mieux adaptée aux 2 parties : l’aidant principal et la personne malade. Il n’y a pas de réponse toute faite et ce qui vaut pour une situation peut être totalement inadaptée pour une autre.”
Pour se faire aider au quotidien et trouver des réponses à leurs questions, les aidants peuvent se tourner vers les professionnels de la Plateforme d’Accompagnement et de Répit des Aidants de la Fondation Odilon Lannelongue située à Vanves dans les Hauts-de-Seine.
Créée en 1916 et reconnue d’utilité publique, cette Fondation propose à la personne âgée en perte d’autonomie un dispositif intégré de 4 services : un Service de soins infirmiers à domicile (SSIAD), une équipe spécialisée Alzheimer à domicile (ESA), un Accueil de jour pour personnes présentant une maladie d’Alzheimer ou apparentée, une Plateforme d’Accompagnement et de Répit (PFR) pour les aidants. L’équipe pluridisciplinaire travaille dans un esprit de coopération entre les services pour offrir aux personnes accompagnées une palette d’interventions coordonnées répondant aux exigences de qualité et plaçant la relation humaine et la bienveillance au centre de sa prise en soins. L’Accueil de jour de Vanves a des disponibilités d’accueil pour des personnes diagnostiquées de maladie d’Alzheimer ou apparentée et pouvant bénéficier de prise en soins groupale.
Liens utiles :
Fondation Odilon Lannelongue/Plateforme d’Accompagnement et de Répit des Aidants
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