La proposition de loi pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie a été définitivement adoptée le 27 mars 2024. Après plusieurs modifications et une procédure accélérée en commission mixte paritaire, députés et sénateurs ont pu trouver un accord sur un texte final. Que contient la loi “bien vieillir” ? Quelles sont les mesures qui ont finalement été adoptées ? Quels changements la loi va-t-elle apporter dans la pratique pour les personnes âgées à domicile et en EHPAD ?
La proposition de loi pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie avait été déposée le 15 décembre 2022 par la députée Aurore Berger. Le texte a subi plusieurs modifications avant d’être adopté en première lecture par l’Assemblée nationale puis par le Sénat, le 6 février 2024. C’est après une procédure accélérée et à la suite d’une commission mixte paritaire que l’adoption finale de la loi vivement attendue a eu lieu le 27 mars dernier. Si le texte final apporte plusieurs mesures concrètes pour prévenir la perte d’autonomie, lutter contre l’isolement des personnes âgées ou handicapées, mieux signaler les maltraitances, faciliter le travail des aides à domicile et plusieurs dispositions sur les EHPAD, certains évoquent tout de même plusieurs manquements par rapport aux besoins réels du terrain et jugent la loi insuffisante.
Prévenir la perte d’autonomie
Afin de faciliter les démarches pour les personnes âgées ou handicapées, les familles et les aidants familiaux, le texte de loi prévoit un accès centralisé aux différents services, par le biais de la création d’une sorte de “guichet unique” où toutes les demandes pourront être effectuées. Ce service public départemental de l’autonomie (SPDA) sera piloté par les conseils départementaux et l’ARS. Il aura pour but de faciliter le parcours usager et de faire en sorte de garantir les meilleures conditions au maintien à domicile. Une conférence nationale de l’autonomie sera également prévue tous les trois ans « afin de définir des orientations et de débattre des moyens de la politique de prévention de la perte d’autonomie ». Afin d’agir le plus tôt possible en cas de perte d’autonomie, le programme Icope développé par l’OMS pour l’évaluation des capacités a été élargi et des rendez-vous de prévention seront proposés aux 60-65 ans et aux 70-75 ans. Par ailleurs, les équipes locales d’accompagnement pour les aides techniques composées d’ergothérapeutes et de travailleurs sociaux seront plus nombreuses à partir de 2025. Cette démarche a pour but de favoriser l’accès aux aides techniques facilitant la prise en charge de la perte d’autonomie et le maintien à domicile.
Lutter contre l’isolement des personnes âgées
La lutte contre l’isolement des personnes âgées est au cœur des préoccupations des services publics depuis plusieurs années. La crise sanitaire liée au covid a notamment exacerbé cette problématique et plusieurs mesures ont déjà été prises en ce sens. Le Projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2023 prévoyait par exemple deux heures supplémentaires par semaine dédiées à l’accompagnement et au lien social dans le cadre d’une demande d’APA à domicile, une mesure en vigueur depuis le début de l’année.
La loi “Bien vieillir” propose également plusieurs mesures pour lutter contre l’isolement social des personnes âgées ou handicapées, notamment sous la forme d’une collaboration entre les mairies et les services sociaux pour informer les personnes âgées en cas de crise sanitaire ou de canicule, par exemple. Elle prévoit en effet un accès pour les services sociaux et sanitaires aux registres des personnes vulnérables tenus par les mairies. Les mairies pourront, quant à elles, accéder aux fichiers des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH), sauf en cas d’opposition de la part des intéressés.
Prévention et lutte contre les maltraitances des personnes âgées
Plusieurs mesures sont prises pour prévenir la maltraitance des personnes âgées et protéger les résidents des établissements médico-sociaux. Les personnes hébergées en EHPAD pourront désigner une personne de confiance, un proche ou le médecin traitant, par exemple. Par ailleurs, les résidents pourront bénéficier d’un droit de visite quotidien pour toute personne qu’ils souhaitent recevoir, sans en informer l’établissement au préalable. Des cellules départementales seront constituées pour recevoir et traiter les signalements de maltraitance, afin de centraliser les alertes reçues sur le numéro national existant.
La loi du bien vieillir reconnaît également le droit pour chaque résident d’emménager avec son animal domestique. Il a été décidé toutefois d’encadrer ce droit « pour qu’il respecte les exigences essentielles d’hygiène, de sécurité et de capacité d’accueil ». Les conditions et types d’animaux pouvant être accueillis seront fixés par un arrêté ministériel.
Favoriser les aides à domicile
D’ici 2025, les aides à domicile intervenant auprès des personnes âgées et handicapées pourront bénéficier d’une carte professionnelle similaire à la carte caducée pour les médecins. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) met en place des subventions financières destinées aux départements pour faciliter les déplacements des aides à domicile, que ce soit en voiture ou en transports en commun. Ces aides incluent également le soutien pour l’obtention du permis de conduire, ainsi que la promotion d’activités collectives permettant les échanges entre professionnels du secteur de l’aide à domicile. Les modalités de versement de ces subventions aux départements seront définies par décret.
Une tarification globale ou forfaitaire (à la place de la tarification horaire actuelle) des services d’aide à domicile est également à l’étude sous la forme d’un projet pilote qui sera expérimenté entre 2025 et la fin de l’année 2026.
Améliorer la prise en charge des personnes âgées en EHPAD
L’adoption de la loi bien vieillir signifie également la suppression de l’obligation alimentaire des petits-enfants dans la cadre d’une demande d’ASH. En effet, lorsqu’une personne âgée souhaite entrer en EHPAD mais n’a pas les moyens de couvrir les frais d’hébergement de l’établissement, il est possible de faire une demande d’aide sociale à l’hébergement (ASH) auprès du conseil départemental. Avant de définir le montant de l’aide, le département peut faire d’abord appel aux obligés alimentaires de la personne âgée. Depuis l’adoption de la loi bien vieillir, les petits-enfants ne sont donc plus obligés de payer pour un grand-parent en établissement.
Par ailleurs, plusieurs mesures de la loi visent l’amélioration de l’accompagnement des personnes âgées en EHPAD :
- Le forfait soins accordé aux EHPAD devrait permettre de financer diverses actions de prévention de la perte d’autonomie au sein des établissements. De plus, les EHPAD habilités à l’aide sociale bénéficieront de davantage de souplesse dans la fixation de leurs tarifs d’hébergement, tout en restant contrôlés.
- Les ARS pourront instaurer un quota minimal de places réservées à l’accueil de nuit en EHPAD ou en résidence autonomie, afin d’assurer une solution de répit aux aidants et un lieu d’accueil sécurisé la nuit, pour les personnes vivant seules à domicile.
- Il est prévu de renforcer l’évaluation de la qualité des EHPAD. Des indicateurs relatifs à l’activité et au fonctionnement des établissements seront publiés par la CNSA et accessibles aux familles.
- Les contrôles des finances et gestion du budget des EHPAD seront renforcés.
- Un cahier des charges, déterminé par arrêté des ministres en charge des personnes âgées et de l’alimentation, définira les normes concernant la quantité et la qualité nutritionnelle des repas proposés dans les EHPAD, dans le but de prévenir la dénutrition.
Longtemps attendue, la loi pour le “bien vieillir” vient répondre à plusieurs besoins et problématiques concernant le bien-être et la sécurité des seniors, leur prise en charge en établissement, la préservation de l’autonomie et le maintien à domicile dans des conditions optimales. Au vu du vieillissement de la population et des difficultés rencontrées sur le terrain, il est important de souligner qu’elle ne doit pas représenter une fin en soi mais le début d’une série d’actions efficaces et ciblées.
Source : Vie publique : proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie
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