C’est chose faite. Nous venons de passer à l’heure d’été pour la 48ème fois en France depuis que ce changement a été instauré à la suite du choc pétrolier de 1973. Si cette petite manie censée nous faire économiser est devenue une habitude pour la plupart d’entre nous, elle ne reste pas sans effet sur notre santé et particulièrement pour nos aînés.
Dans la nuit du samedi 30 au dimanche 31 mars, la France est passée à l’heure d’été puisqu’à 2 heures du matin, les français ont “perdu une heure” de sommeil pour se retrouver directement à 3 heures du matin. Si la plupart d’entre nous ne se font plus prendre à la série des rendez-vous manqués le premier jour et que l’on finit par s’habituer au passage à l’heure d’été ou d’hiver, cela exige tout de même certains efforts pour réorganiser notre quotidien et nos nuits durant quelques jours. Pour certains, et plus particulièrement pour les personnes âgées ou atteintes de troubles cognitifs dus par exemple à la maladie d’Alzheimer, l’exercice peut s’avérer compliqué et occasionner parfois des effets négatifs pour le sommeil et la santé. Pour ces personnes en effet, il est souvent plus difficile d’adapter l’horloge biologique aux éventuels changements.
Les effets du changement d’heure sur le sommeil des seniors
Les seniors se plaignent souvent de troubles du sommeil et ce n’est pas sans raison. Il est important de savoir qu’avec les années, la quantité et la qualité du sommeil se modifient. A partir de 50 ou 60 ans, le sommeil est plus léger et l’on devient plus sensible aux bruits extérieurs. Chez les femmes, les changements hormonaux à partir de la préménopause et de la ménopause ont de nombreuses conséquences sur la qualité du sommeil et l’endormissement. L’apnée du sommeil, les douleurs chroniques et d’autres facteurs liés à l’âge ou à la maladie perturbent souvent le sommeil des seniors et rendent plus compliqué l’endormissement. Par ailleurs, le rythme veille-sommeil dépendant du rythme circadien se modifie avec les années et les personnes âgées ont plus de mal à régler leur horloge biologique interne en cas de changement. En effet, le rythme circadien se définit comme l’horloge interne du corps avec un cycle de 24 heures qui régit les processus physiologiques du sommeil et de l’alimentation. Le rythme circadien peut être perturbé par le mode de vie, lors d’un travail de nuit, par exemple, ou par certaines maladies cognitives comme Alzheimer.
Selon l’Inserm, le changement d’heure impacte notre santé et surtout celle des seniors
Un communiqué de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) du 11 mars 2024 attire notre attention sur le fait que le changement d’heure n’est pas anodin pour notre santé.
Selon l’Inserm, les personnes âgées ont également plus de mal à synchroniser leur horloge biologique lors du changement d’heure d’été et d’hiver : “La littérature scientifique montre que le changement d’heure a bel et bien des effets physiologiques et sanitaires : il impacte notre horloge biologique interne, appelée système circadien, et peut induire des effets néfastes sur notre santé (troubles du sommeil, de la vigilance, accidents du travail et de la route, des dépressions, des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux).”
Il précise que certaines personnes sont plus sensibles à ces troubles et éprouvent davantage de difficultés à s’adapter au nouvel horaire. Il s’agit surtout des petits enfants et des personnes âgées mais également des travailleurs de nuit et des personnes souffrant d’un trouble du sommeil.
Le communiqué précise également que selon l’avis des spécialistes, le passage à l’heure d’été est plus compliqué à gérer pour l’organisme que le passage à l’heure d’hiver pour deux raisons :
- parce que l’on perd une heure de sommeil
- parce que l’horloge biologique devra être avancée d’une heure
Il y est expliqué en effet que : “en moyenne, nos organismes ont tendance à accumuler un retard de 10 minutes sur leur cycle de 24 heures. Avec le changement d’heure, on leur demanderait d’avancer leur rythme d’une heure, ce qui accentuerait les efforts faits par notre corps pour tenter de rattraper son retard.”
Ces perturbations peuvent avoir de lourdes conséquences sur notre santé, sachant que l’on estime déjà le manque de sommeil général de la population française à une durée de 30 à 90 minutes par jour et que l’on connaît tous les effets néfastes pour notre santé que l’on impute au manque de sommeil.
Chez les personnes atteintes d’Alzheimer, ces perturbations peuvent également accroître les troubles du comportement et troubles du sommeil comme la déambulation, l’insomnie, l’agressivité, la dépression et d’autres troubles de l’humeur. Les personnes atteintes d’Alzheimer ont besoin de repères et d’une routine qui les calme et les rassure. Tout changement est plus difficile à vivre pour le malade et à gérer pour l’aidant.
Selon des études récentes, le manque de sommeil pourrait même représenter un facteur de risque de la maladie d’Alzheimer.
Vers la fin du changement d’heure ? Quelle heure choisir?
En 2019, le Parlement européen a voté la suppression du changement d’heure saisonnier, mais l’application de cette décision dans la pratique a été retardée pour diverses raisons et notamment à cause du covid. Les États membres de l’UE doivent encore se mettre d’accord sur l’heure à adopter définitivement, celle d’été ou celle d’hiver. Selon le communiqué, la grande majorité de la communauté scientifique recommande le maintien de l’heure d’hiver.
“Si on en venait à maintenir l’heure d’été toute l’année, le réveil en hiver et le coucher en été seraient en effet plus difficiles. Le jour le plus court de l’année, le 21 décembre, le soleil se lèverait à Paris à 9 h 41, au lieu de 8 h 41 à l’heure standard (ou « heure d’hiver »), et un lever du soleil très tardif en cette saison hivernale aurait un impact néfaste sur la santé des Français, le réglage de notre horloge biologique se faisant aussi par l’exposition à la lumière. A l’heure du réveil, notre corps a besoin d’une dose importante de lumière pour débuter une nouvelle journée et synchroniser l’horloge biologique. Il serait ainsi privé de cette lumière en hiver avec un lever du jour plus tardif.”
Concernant l’exposition à la lumière, des travaux sur l’importance de l’exposition à la lumière sur le cycle circadien menés au Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon ont montré que certaines expositions à la lumière, à des moments très précis, ont des effets bénéfiques sur la physiologie du sommeil et certaines fonctions non-visuelles de l’organisme telles que la sécrétion de la mélatonine, une hormone contrôlée par l’horloge circadienne et impliquée dans la régulation du sommeil, le réflexe pupillaire, l’activité cérébrale, la température et le système cardiovasculaire, même à des expositions très courtes et des niveaux très faibles de lumière.
Source : Communiqué Inserm, 11 mars 2024
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