Le rôle d’aidant revêt plusieurs aspects. Parmi les difficultés à surmonter figure la culpabilité, souvent présente chez bon nombre d’aidants. Pour aider à apprivoiser cette culpabilité et à parcourir le cheminement psychologique nécessaire, la Fondation Odilon Lannelongue accompagne les aidants du Sud des Hauts-de-Seine. Laure Vezin, Psychologue et responsable de la Plateforme d’Accompagnement et de Répit des Aidants au sein de la Fondation, nous explique ce long cheminement et les défis du rôle d’aidant.
“Les aidants sont nombreux à éprouver un sentiment de culpabilité”
Le rôle d’aidant est extrêmement exigeant physiquement mais aussi moralement et psychologiquement. Même si l’opinion publique est de plus en plus sensible à la situation des aidants familiaux, il reste difficile pour tout un chacun de comprendre réellement toutes les ramifications et les implications du rôle difficile que ces personnes assument au quotidien. Fort heureusement, il existe des plateformes d’aidants à l’image de celle de la Fondation Odilon Lannelongue pour soutenir, accompagner, former et rassurer les aidants tout au long de leur parcours.
Parmi les difficultés rencontrées par les aidants, Laure Vezin nous parle de culpabilité, un sentiment qu’elle connaît bien puisqu’elle le retrouve souvent chez les aidants qu’elle accompagne : “Les aidants sont nombreux à éprouver un sentiment de culpabilité. Ce sentiment est parfois plus intense à certains moments que d’autres, surtout quand le choix du lieu de vie doit être repensé ou que de grands changements du quotidien s’imposent. La culpabilité fait également écho à l’impuissance que peuvent ressentir les aidants dans leur parcours.”
La culpabilité de ne pas être à la hauteur, celle de se sentir dépassé, de ne pas en faire assez, d’être contraint de faire appel à des professionnels ou de faire le choix difficile de l’EHPAD. La culpabilité des aidants a différentes facettes.
Si Laure Vezin explique qu’au départ ce sentiment peut servir de levier permettant à l’aidant de s’investir ou de réaliser un plan d’action face à la situation de son proche, il peut rapidement devenir un fardeau, un frein à la mise en place de dispositifs d’aide pourtant indispensables : “La culpabilité est le résultat d’une pression morale, de normes sociales. D’un imaginaire ou de l’idée que l’on se fait d’une façon attendue d’agir. La culpabilité peut donner de l’énergie à l’aidant mais à l’extrême, elle peut vider toute l’énergie dont l’aidant aurait besoin dans son quotidien pour faire face. Dans ce cas de figure, la culpabilité prend entièrement le dessus et génère souffrance et repli chez l’aidant qui ne peut plus être acteur et moteur de sa situation. L’aidant se sent alors écrasé par le poids des normes ou convenances sociales comme, par exemple, l’injonction «il faut s’occuper de ses parents, de ses proches, quoi qu’il en coûte et à domicile », injonction qui est un frein important à l’entrée en EHPAD. Le risque est alors que le proche s’efface complètement et s’isole sur sa relation d’aidant”, explique la psychologue.
“L’aidant craint parfois d’être dépossédé de son rôle ou nié dans son rôle d’aidant.”
Au sentiment de culpabilité sont souvent rattachées certaines craintes ou appréhensions chez les aidants, qui peuvent avoir du mal à évaluer sereinement la nécessité de trouver des solutions de répit et évitent la prise de décision. Il existe alors un risque de s’enfermer dans son rôle et de s’épuiser. “L’aidant craint parfois d’être dépossédé de son rôle ou nié dans son rôle d’aidant. Il peut également avoir peur des réactions de son proche et du regard que cela pourrait amener sur lui. Il a également peur que son proche aidé ne soit pas pris en soins avec attention et considération.”
Pour aider l’aidant à surmonter ses craintes lorsque la question de l’entrée en EHPAD se pose, la psychologue insiste sur le rôle clé de l’accueil apporté par les établissements durant la phase d’adaptation et de transition. “Le rôle d’aidant se transforme mais ne se termine pas à la porte de l’EHPAD. En intégrant les familles au processus, grâce à une collaboration étroite entre les professionnels et les proches, on aide à la fois la personne à s’intégrer et la famille à accepter. On crée les bases pour installer une relation de confiance. De façon générale, quand le lien de confiance est créé entre l’aidant et les tiers professionnels, et c’est valable pour tous les dispositifs (accueil de jour, accueil temporaire ou permanent), l’alliance peut se faire autour de la personne fragilisée et les réticences de l’aidant s’effacent.”
Comment savoir quel est le bon moment pour envisager l’EHPAD?
Si, pour Laure, il n’y a pas de moment objectivement propice à une entrée en EHPAD, il est important d’accompagner l’aidant de manière personnalisée, afin de l’aider à cerner ses besoins, à anticiper l’urgence, en particulier pour les aidants de personnes atteintes d’Alzheimer qui doivent faire face à l’évolution de la maladie.
La plateforme aide notamment les aidants à vaincre les barrières psychologiques qui les empêchent de déléguer, de faire appel à des aides ou d’envisager une entrée en EHPAD. Laure explique que la question de savoir quand reconnaître le bon moment revient en fait à demander à l’aidant à quel moment il se sent véritablement prêt à passer cette nouvelle étape. C’est plutôt cela la vraie question. Ensemble, avec l’aidant, elle va pouvoir évaluer les solutions, proposer peut-être au préalable un hébergement temporaire. “Il est vrai que pour les aidants dont le proche a la maladie d’Alzheimer, la question se pose davantage puisque l’évolution de la maladie crée des troubles cognitifs importants associés à une perte d’autonomie croissante, ce qui peut conduire à l’épuisement de l’aidant. Même si l’on a repoussé la question de l’EHPAD, elle va se reposer et parfois malheureusement dans l’urgence. À un stade avancé à domicile, il faut avoir beaucoup d’aides et beaucoup de ressources. Il est difficile de remplacer toute une équipe soignante, surtout si l’aidant est âgé. L’idéal est d’entamer le processus progressivement pour aider l’aidant à déposer sa culpabilité.”
Par ailleurs, la psychologue explique le piège que peut représenter le rôle d’aidant : “l’aidant est dans le quotidien « pratico-pratique », c’est-à-dire des actions concrètes pour son proche. Psychologiquement, il lui est difficile de prendre du recul et de réfléchir sereinement à la possibilité de déléguer une partie de son rôle à des professionnels. Ce sont souvent des situations de crises, des événements extérieurs pour le proche aidé, ou les temps de répit, qui amènent les aidants à avoir envie de changement, à se renseigner sur les possibilités existantes en matière d’aide pour leur proche, et dans l’idéal, d’aide et de soutien pour eux-mêmes.”
Comment la Fondation Odilon Lannelongue aide les aidants ?
C’est en 1911 que le Pr. Odilon LANNELONGUE transmet une partie de ses biens pour la création d’une œuvre d’intérêt national, d’ordre scientifique ou social, donnant ainsi naissance à l’Institut Lannelongue, qui deviendra par la suite la Fondation Odilon Lannelongue, une Fondation reconnue d’utilité publique, à Vanves dans le Sud des Hauts-de-Seine. Aujourd’hui, la Fondation oriente ses priorités vers le maintien à domicile des personnes âgées, au travers de 4 services complémentaires et coordonnés : un Service de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD), une Equipe Spécialisée Alzheimer (ESA), un Accueil De Jour (ADJ) accueillant des personnes vivant avec une maladie d’Alzheimer ou apparentée, une Plateforme d’Accompagnement et de Répit des Aidants (PARA).
Les Plateformes d’Accompagnement et de Répit des aidants proposent un soutien personnalisé et « sur mesure » aux proches aidants, au travers d’une palette de propositions adaptées aux différents besoins rencontrés par les aidants, tout au long de leur parcours. Les Plateformes proposent du soutien psychosocial, du soutien psychologique individuel ou collectif, des temps de répit et de détente, des activités de loisirs et de partage. Ces propositions diverses ont toutes un objectif commun : apporter du soutien à l’aidant et limiter l’isolement et l’épuisement induit par la relation d’aide.
A la Plateforme d’Accompagnement et de Répit, les aidants trouvent à la fois une écoute, un accompagnement, un soutien et des rencontres régulières autour d’événements à thèmes comme par exemple le café des aidants. Laure souligne l’importance de ces rencontres entre aidants :”Pour les accueils temporaires ou permanents, de type EHPAD, les aidants ont parfois des représentations erronées de l’offre proposée. Là, le soutien et l’échange entre pairs aidants, au café des aidants ou dans les groupes de paroles, peut aider à déconstruire ces représentations et à faire baisser la culpabilité ressentie par les aidants dans ce type de décision.”
Elle raconte notamment l’histoire d’un aidant qui se trouvait dans une situation de maintien à domicile avec très peu d’aide parce que la conjointe atteinte d’Alzheimer n’acceptait personne d’autre. Après de longues hésitations et quelques participations au café des aidants, il a commencé petit à petit à accepter l’idée de l’établissement et imaginer la façon d’accompagner son épouse dans ce changement. “Il n’y a pas de solution miracle et parfois il faut plusieurs mois ou années à l’aidant pour accepter la maladie de son proche et le fait que tout ne repose pas entièrement sur lui en termes de responsabilité.”
Lors de la dernière enquête annuelle de satisfaction réalisée par la Fondation, de nombreux aidants se sont exprimés pour témoigner leur ressenti. Parmi les témoignages recueillis, l’un d’eux est particulièrement éloquent sur l’aide apportée par la plateforme: « Votre aide est très précieuse tant par les cafés réguliers, que par les possibilités de suivre une formation ou un échange par visioconférence. J’ai eu recours au soutien individuel psychologique au retour de mes vacances et cela a été bénéfique pour moi. Vous êtes indispensable dans ce parcours complexe d’accompagnement du malade. »
Lorsque l’on demande à Laure Vezin quels sont les conseils qu’elle pourrait donner aux aidants, elle répond : “Ne pas rester seul. S’informer sur ce qui peut exister comme aide, et même s’il n’y a pas de réponse parfaite, maintenir l’échange et le contact avec des professionnels. Continuer, même si c’est compliqué à organiser, des temps à soi, pour se faire plaisir, des temps de loisirs, des temps de sorties, voir ses amis, continuer à s’ouvrir vers l’extérieur, en dehors de la maladie de son proche, en dehors de son quotidien d’aidant. C’est tout aussi important que de prendre soin de sa santé et de celle de son proche.”
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